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coup de chansons amoureuses qui ont été couronnées au concours de Piedigrotta, et que les voyous mêmes savent par cœur. Mais ses chansons ne sont pas le plus beau de son œuvre. Je vous traduirai la série des petits poèmes d’O’Munasterio, ou d’O’Funneco Verde, et vous direz avec moi : « Celui qui fait parler les mariniers, les camorristes, les filles, d’une façon si familière, si forte, si pathétique, celui-là, c’est un poète ! » Voyez, madame Marie ! Je lui ai emprunté presque tous ses modèles, et c’est la plèbe du Funneco Verde qui est devant vous…

Comme un montreur de marionnettes isole tour à tour chacun de ses petits acteurs, pour les présenter au public, Salvatore prenait chaque statuette, la caressait de ses mains créatrices qui semblaient la parfaire et l’animer d’une vie intense. Marie les admirait. L’art de Salvatore ne rappelait pas la mollesse et la préciosité de la moderne sculpture italienne. Rien n’y révélait le classicisme d’école, rien non plus la dangereuse recherche de l’originalité. On y sentait bien la grâce ingénieuse, la verve satirique de la race, mais aucun détail superflu, aucun rapetissement de l’idée réduite à l’anecdote. C’était vraiment un très grand art, malgré les dimensions réduites des figures. Il se rattachait à l’art grec par la simplicité savante des moyens, par le sens exquis