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vérité ! Tous les peuples se regardent à travers les lunettes des préjugés et des rancunes nationales. Le comte pense que les Françaises sont frivoles et sans cœur… Et voilà madame Marie, une Française toute bonne, toute douce, qui a une méfiance de nous autres, Napolitains, parce qu’on lui a raconté des histoires de lazzaroni, de camorristes et de ruffians… Ne dites pas non, madame Marie ! Vous n’aimiez pas Naples, hier, parce qu’elle était laide, sous la pluie. Aujourd’hui, vous l’aimez parce qu’elle est belle, sous le soleil. Ainsi de nous. Il faut nous regarder dans notre jour, dans noire « éclairage », pour nous comprendre. Nos pauvres gens du peuple sont ignorants et sales. L’étranger ne voit que ça. Il les croit paresseux et immoraux parce que ces misérables portent gaiement leur misère… Dio mio !… Que je pourrais dire de choses là-dessus !

— Tore ! dit Angelo, nonchalamment, ne fais pas le socialiste…

Salvatore s’empourpra.

— Socialiste !… Je le suis, socialiste, et même anarchiste… et je crache sur le gouvernement !… Et ma sculpture — Ange, tu peux rire — sera socialiste comme moi… Oui, je montrerai les vices tout nus : la paresse, le jeu, l’ivrognerie, la débauche, la prostitution des