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fresque, de colombes et d’amours. Je contemple avec horreur la pyrogravure de l’armoire viennoise, les coquilles d’or sur les panneaux en tôle du lit, les baldaquins en damas de coton rouge qui se tortillent, au-dessus des fenêtres, lourds de franges, de pompons et de glands… Tout mon mobilier est ainsi, moulures, ciselures, enluminures, festons et astragales, — et de la poussière dans les creux…

Il pleut toujours… Dehors, une carriole de maraîcher, traînée par un vif petit âne, fait retentir les dalles du quai. Des bersaglieri viennent de passer, musique en tête. Et, maintenant, un piano mécanique casse en petits éclats la chanson vulgaire et caressante :

Dors, Carmè ! le meilleur de la vie, c’est dormir !…

Et j’ai envie de suivre le conseil du poète napolitain. J’ai envie de fermer les persiennes, de me mettre au lit et de pleurer, sans raison, sans contrainte, comme une petite fille punie, de pleurer jusqu’à m’endormir…

Hélas ! je ne suis pas faite pour le voyage et le déracinement. Je suis une casanière, une maniaque, une jeune femme devenue une vieille fille, malgré le mariage néfaste, la maternité malheureuse, l’amour qui s’offre et que je ne