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Yann avancait et derrière lui le radieux occident s’embrasait de lueurs de triomphe. Il marchait, rythmant son pas sur sa musique, svelte, jeune, charmant dans sa veste courte, le vent soulevant ses longs cheveux qui rayonnaient comme une flamme. Il était beau, de la beauté mâle et saine de sa race que de longues générations d’époux fidèles lèguent à leurs fils. Rien d’efféminé n’amollissait sa virile élégance. Il venait, sonnant du biniou sous le ciel de braise, entre deux files de menhirs, et l’on eût dit qu’au son de l’instrument national la vieille terre celtique tressaillait d’aise, remuée jusqu’à ses entrailles de granit.

Et Maria-Josèphe, immobile, subissait aussi l’influence du soir, de la solitude, de la mélodie… Elle se sentait pénétrer d’une admiration qui était de la joie. Émue, elle regardait son mari qui venait.

Quand il entra dans la maison, elle l’accueillit d’un élan qui prouvait que l’absence avait paru longue. Et gaiement elle versa dans les assiettes la soupe fumante, tout en se faisant conter les détails de la noce qu’il avait menée avec son biniou. Elle mettait à tout ce qu’elle faisait une animation qu’il ne lui avait pas vue depuis longtemps, parlant de