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— Monsieur Robert, je vous en prie, laissez le pauvre Yann tranquille… Si je craignais les galants, je ne serais pas ici…

— Avec moi ! dit-il d’une voix qui arrêta net la jeune fille confuse… Oh ! Maria-Josèphe, je vous en conjure, ne me prenez pas pour un galant…

Puis, comme elle semblait interdite, il se rapprocha, la voix changée maintenant et les yeux émus.

— Maria, dit-il, je ne suis pas plus un vulgaire galant que vous n’êtes une paysanne vulgaire. Je ressemble aussi peu aux jeunes gens qui vous ont courtisée que vous, ma charmante amie, aux femmes que j’ai pu connaître. Si vous avez l’esprit de votre beauté si délicate et si fine, vous essayerez de comprendre un langage nouveau… Mon amour est bien au-dessus des préjugés et des coutumes établies. J’aime l’amour pour l’amour et je voudrais que vous l’aimiez aussi… en moi. Voyez si je suis sincère… Non, je ne suis point un galant, Maria-Josèphe, mais un amant qui vous admire et vous adore…

Il murmura ces mots lentement, comme pour bien lui glisser au cœur la mélodie de ces syllabes. Elle s’était arrêtée subitement : « Ô mon Dieu ! » fit-elle… et elle devint toute blanche, de rose qu’elle était.

Alors, se rapprochant davantage, avec cette fièvre du succès qui grise les hommes de leurs propres paroles, il lui parla simplement pour se faire comprendre et ardemment pour vaincre le malaise de pudeur, l’effroi incertain de cette âme qu’il voulait à lui, toute à lui. Il lui prit la main et marcha ; elle