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assourdi, un peu cuivré, qu’ont les feuillages en novembre. Nuance rare et délicieuse qui, d’année en année, s’altérait et qui s’éteindrait avec l’âge en un châtain doux et banal.

— Monsieur le docteur a pris sa bicyclette, dit Fortunade qui devinait le souci de mademoiselle Cayrol. Il aura le vent contre lui, pour revenir…

— Il a dû voir tous nos fournisseurs de Tulle : le peintre, le menuisier… Ces gens-là nous manquent de parole, et la chambre blanche ne sera pas prête quand monsieur Jean Favières arrivera.

— Ça ne vous ennuie pas de prendre un pensionnaire ?

— Non.

— Un malade que vous ne connaissez pas ?

— C’est le filleul de mon oncle Albert Lapeyrie, un tout jeune homme, presque un enfant, qui est bien malade et bien malheureux.

— Il n’a pas de famille ?

— Sa mère est remariée. Il vit seul. Il a toujours vécu seul.

— Eh bien ! il a de la chance de tomber chez vous !

Depuis un mois, tout le village s’intéressait au « Parisien » poitrinaire qui allait vivre ou mourir chez les Cayrol. On savait que le docteur lui réservait une chambre toute remise à neuf, avec des meubles blancs et polis comme la plus belle porcelaine, — une idée de riche, assurément !

Fortunade demanda :

— Et quand viendra-t-il, ce monsieur Favières ?