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de succès… Je pensais à vous, Marthe. J’ai presque rompu avec cette famille, qui m’avait fait si bon accueil. J’étais hanté, affolé par vous… Mais je comprends que votre affection de sœur ne peut suffire à mon âme. J’ai besoin d’être aimé, sans réserves, sans restrictions, aimé par une épouse… ou par une amante. Je suis homme, je suis jeune, je ne puis séparer mon esprit de mon corps ; je veux me donner tout entier à celle qui se donnera tout entière. Vous êtes exquise, mais votre froide fraternité irrite en moi des regrets dangereux. Il faut que je mette entre nous le souvenir des joies que je recevrai d’une autre. Alors, votre vœu sera accompli. Je vous aimerai sagement ; je ne tremblerai plus en touchant votre robe ; je ne vous demanderai plus ces baisers qui nous laissent, vous, honteuse, moi, frémissant et inassouvi. Mademoiselle Moriceau est un peu naïve, mais elle a la fraîcheur de la prime jeunesse, le charme unique de celles qui n’ont pas aimé…

— Épousez-la donc, dit Marthe, d’un ton bref.