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rire, de chanter, ouvrait leurs lèvres ; leur jeunesse les envahissait comme un flux et, encore enivrés de leur course, enivrés d’espace, ils se sentaient non point amoureux, mais fraternels. L’Océan, le vent du large, le sable aride n’amollissent point les âmes par des suggestions de volupté. Une âpre vie est en eux, qui dilate les poumons, surexcite les énergies, chasse la fièvre vaine des rêves. Marthe et Jean se regardaient en face, sans trouble, les yeux brillants, et leurs cœurs semblaient s’élargir, comme le ciel sur l’Atlantique.

— La belle journée ! dit-il.

— N’est-ce pas ? Il fait bon vivre.

— Vous êtes heureuse aussi ?

— Infiniment.

Il était presque étendu sur le sable, contre la jupe maïs. Ses yeux, entre ses cils, chatoyaient doucement, et Marthe, tandis qu’il parlait, voyait luire ses dents pures. Il était charmant, avec son teint de fille, l’or sombre de ses prunelles, l’or roux de sa barbe légère, les courtes boucles châtain de ses tempes,