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rée de la passion qui l’envahissait, par petites vagues insensibles, ébranlant peu à peu la barque qui portait sa vertu, son bonheur, sa foi conjugale et maternelle, la berçant avant de la submerger.

Le soleil commençait à descendre, mais le sol de sable réverbérait une chaleur si intense qu’elle brûlait la semelle des souliers. Les jeunes gens suivaient la route qui mène à la grève sauvage, sans lacets, sans détours, escaladant les dunes à travers les pins. Ils marchaient poussant du pied les fruits coniques et écailleux semés çà et là sur leur passage, dans les ornières parallèles laissées par les chariots. Parfois, ils longeaient une vigne dont les ceps très bas semblaient ramper, ou un petit marécage desséché qui n’était plus qu’une verte moisissure entre les sveltes fougères et les grosses mousses spongieuses nuancées d’émeraude et d’or.

Les pins s’espacèrent. Ce fut un coin de désert, un lambeau d’Afrique entre la forêt et la haute muraille des dunes barrant l’horizon.