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de son visage et de son cou. Elle était éclatante et fragile comme un pavot dans les blés.

Depuis qu’il avait osé lui avouer son amour, il ne s’était jamais trouvé seul avec elle, et sa réserve respectueuse avait rassuré la jeune femme. Il devinait qu’elle tenait à cette amitié qu’il avait offerte, qu’elle ne l’éloignerait pas s’il ne commettait aucune imprudence. Elle avait pensé :

— Il est sage et bon. Il oubliera cette folie. D’ailleurs, je lui ai parlé nettement. Il sait que j’aime mon mari.

Jean n’avait point douté qu’elle aimât Chaumette ; mais il savait ce que Marthe ignorait encore. Il savait que l’amour est multiple et divers comme les âmes ; que les âmes se transforment sans cesse pour des sentiments nouveaux ; que, dans leur mystérieux domaine, la volonté ne gouverne pas ; que l’instinct et la raison s’y contredisent et s’y concilient contre toute vraisemblance. Marthe savait, malgré son trouble, que Chaumette lui restait cher et elle n’essayait même pas de lutter contre cette ma-