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Elle ne s’alarmait pas encore. Personne ne lui avait appris à discerner ces rapides désorganisations de l’âme, ces premiers troubles de la passion, bien différents de l’épanouissement joyeux qui est l’amour. Marthe aimait profondément son mari ; elle ne soupçonnait pas qu’on pût aimer autrement, et, pour elle, l’amour et la passion n’étaient que des aspects de la tendresse conjugale.

Elle avait disposé le linge blanc par piles régulières… Pourquoi restait-elle debout entre les vantaux de l’armoire quand nul soin ne la retenait là ? Son âme contractée se détendait dans ce jour égal, dans ce silence. La chambre lui plaisait, avec ses solives peintes en gris clair, ses mousselines un peu usées, ses vieux meubles. Pourtant, elle ne l’aimait guère, autrefois.

Elle songeait que le temps s’éclaircissait après la série des jours orageux ; que M. Demarcys arriverait sans doute dès le samedi soir et que, par un clair dimanche, à travers l’île plate qui verdoie entre la mer et le ciel, ils s’en