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tourmentent d’un désir de tendresse et de caresses d’une mélancolie affinée jusqu’à la douleur. Enfant, ces émotions inconnues se résolvaient en larmes ; homme, j’aurais voulu les sentir se fondre en baisers…

Je traversais, ce jour délicieux d’avril, la période aiguë de cette crise physique et sentimentale. Nous achevions de goûter. Hélène était assise en face de moi, dans sa robe noire où brillaient des fleurs de jais. La tête renversée en arrière, les yeux vagues, elle souriait à demi, dans une pose qui trahissait la grâce de son corps. Un rose léger rendait à ses joues amaigries leur charme de jeunesse ; la cendre dorée de ses cheveux brillait dans le soleil.

Soudain, elle me regarda :

— Qu’avez-vous ? dit-elle…

— J’ai… j’ai… Je n’en sais rien…

— Comment ! vous n’en savez rien ?

Elle eut un rire qui m’irrita absurdement ; je répondis :

— J’ai… j’ai que vous êtes belle… et que je ne peux pas ne pas m’en apercevoir.