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entrevue, celle qu’avait aimée et possédée Lauten.

Elle goûtait pleinement la triste volupté des confidences et je les écoutais, ces confidences, avec un plaisir âpre et mélangé que je pressentais dangereux.

Souvent, la porte refermée sur elle, je restais pensif, contemplant le fauteuil qu’elle avait déplacé en se levant, l’ébauche où flottait confusément un reflet d’elle, à travers les maladresses du premier travail. Je la reconnaissais pourtant, l’amie d’autrefois ; c’était bien la même femme, la même créature de douceur et de bonté, mais je la voyais dans une autre lumière. Je pensais malgré moi qu’elle était belle, et qu’elle avait appartenu à Lauten. Son mari comptait pour si peu, que jamais je ne m’étais représenté madame Beauchamp dans son rôle d’épouse ; elle était à mes yeux une sorte de vierge-femme, un être insexuel et charmant. Maintenant, elle se révélait femme, avec la puissance redoutable d’une beauté épanouie par l’amour. Certes, je la savais pure