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fois l’instinct des chercheuses de tendresse. Le charme tout-puissant de ce jeune homme, était-ce la magie d’une adolescence prolongée dans l’âge viril ou la précoce virilité d’un adolescent trop sagace ? Demarcys avait vingt-six ans. Son esprit présentait les mêmes caractères que sa physionomie. Il ressemblait à ces fruits exposés au soleil d’un seul côté, et qui mûrissent inégalement, verts encore, d’une acide saveur et déjà flétris par places. Dix ans de lectures et d’observation dans l’atmosphère ardente de Paris lui avaient enlevé le donquichottisme de la première jeunesse, en même temps que le travail, l’ambition, les dures habitudes de la vie pauvre, l’avaient défendu contre les mélancoliques expériences du libertinage à bon marché, et les cérébrales amours avec les bourgeoises qui ont de la lecture.

Depuis son arrivée à Rochefort, il avait bu jusqu’à la lie le fade ennui de la province. Au lycée, le proviseur, vieil universitaire alourdi sous le bât, le tenait en suspicion à cause de ses opinions littéraires. Les élèves le respec-