Page:Tinayre - L Oiseau d orage.djvu/278

Cette page a été validée par deux contributeurs.

viaduc dressait ses hautes arches blanches sur un ciel sali de fumées. Des morceaux de Paris s’encadraient entre les piliers, dominés par la maigre silhouette de la Tour démesurée, monument digne de l’idéal du siècle. Çà et là, les grandes taches jaunâtres des champs de manœuvres, les treillages pourris d’une guinguette sur un terrain plâtreux, de noirs bâtiments d’usines. La rivière coulait entre les platanes dénudés, reflétant la tristesse de l’heure et la tristesse du ciel ; elle coulait, indifférente et grise, sans murmure ni remous, roulant à la mer des épaves et des cadavres inconnus, terne, lente, mystérieuse comme la vie.

Et je songeais à Lauten qu’on enterrait sans doute, là-bas, dans un sol étranger ; je songeais à son beau visage défiguré par la mort, promis aux transformations affreuses, à la nuit du tombeau, à l’œuvre de la terre qui décompose pour absorber.

Déjà ses traits flottaient dans ma mémoire ; déjà il mourait un peu en moi ; bientôt il ne