Page:Tinayre - L Oiseau d orage.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À ma première surprise succéda un sincère chagrin, Lauten ne m’était pas antipathique, son image se mêlait à de chers souvenirs, j’appréciais son intelligence, son érudition, son talent de musicien. Je devinais son caractère supérieur à son état, supérieur à sa destinée. La mort affreuse qui le frappait en pleine jeunesse, sur une terre d’exil, ajoutait à sa belle figure la sombre poésie des prédestinés. Je philosophai tout seul, rêvant d’un portrait qui fixerait à jamais parmi nous l’image de l’ami disparu, certain que madame Beauchamp approuverait cette idée…

Je pensai ensuite au chagrin qu’elle devait éprouver, et dans l’après midi du même jour je me rendis chez elle.

C’était le 21 novembre, date inoubliable, qu’un clou noir fixe dans ma mémoire.

La femme de chambre m’introduisit dans le salon.

Madame avait eu la migraine pendant toute la matinée ; elle s’habillait, elle allait venir.

En l’attendant, je promenais mes regards à