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il avait ce beau visage froid qui nous glaçait tous, et surtout son talent de musicien… Ce violon qui chantait comme une voix humaine et surhumaine, quel pouvoir redoutable il lui conférait peut-être, quand les femmes l’écoutaient toutes pâlissantes des suggestions de la musique…

Mais non. Hélène admirait Lauten ; elle ne cachait pas sa réelle sympathie ; et les éléments de cette sympathie étaient étrangers à l’amour. Lauten enchantait l’artiste en elle ; Morbrandt l’amusait ; seul, j’avais ému la femme. Quelle folie !… Si elle devait m’aimer ?

Cette idée m’enivra d’un orgueil mêlé de malaise. À force de le combattre, j’avais tué l’amour dans mon cœur. Mais Hélène était belle ; je la chérissais tendrement. Sans rien espérer, sans rien désirer d’elle, je lui étais reconnaissant de m’avoir peut-être choisi. J’étais déterminé, d’ailleurs, à ne jamais modifier le caractère de nos amicales relations. Hélène Beauchamp, si elle aimait, aimait à son insu, d’un amour inconscient et forcément