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ouverte. De rares étoiles palpitaient très haut dans un ciel noir.

Je m’étais réfugié sur le balconnet, laissant rire et causer les autres, heureux de respirer l’air de la nuit tout imprégné de frais aromes où flottait je ne sais quelle promesse d’inconnu bonheur.

Derrière moi, Lauten, isolé aussi, déchiffrait au piano, d’une main distraite, les premières mesures du second acte de Tristan : l’anxieux dialogue d’Yseult et de Brangaine écoutant frémir le vent nocturne dans les feuilles, murmurer la source lointaine et décroître la fanfare de Marke à travers les bois. Ma mémoire complétait les harmonies que Lauten indiquait à peine. Soudain, la magie de cette musique m’emporta loin du boulevard des Invalides, loin du groupe bruyant des causeurs, loin de madame de Beauchamp elle-même.

Je me perdis dans l’ombre des jardins où la fille d’Irlande gémit si mélodieusement tandis qu’un orchestre invisible évoque autour