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stitue l’élément et la cause initiale du véritable amour. Je me sentais parfaitement libre et je sacrifiais quelquefois à la Vénus vulgaire sur de très profanes autels ; mais ces aventures d’une semaine ou d’une nuit, qui me laissaient sans plus de joie que de remords, ne modifiaient nullement mon état d’âme quand je retrouvais mon amie.

Mon amie !… je lui donnais dans le secret de mon cœur ce nom doux comme elle-même.

J’étais particulièrement heureux certain soir de mai où j’avais dîné chez elle avec les Kerhostin, Lauten et notre vieux Morbrandt. Elle avait montré pendant le repas une gaieté plus libre que de coutume, une gaieté à boutades et à saillies, presque gamine, qui rajeunissait sa mélancolique beauté. Ses gestes, sa voix, le port fier de sa tête, l’éclat mouillé de ses yeux où luisait le reflet des bougies, la pourpre avivée de ses lèvres, la fleur même de sa chair plus rose révélaient la plénitude physique du bonheur.

— Comme elle est gaie, ce soir ! pensais-je