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mander du talent. Dans l’ordre des sentiments comme dans tous les autres, l’honnête médiocrité domine et la majorité fait loi. Mais personne ne veut être une unité de cette collectivité qui s’appelle « Tout-le-Monde ». Ceux qui n’oseraient pas emprunter le personnage des Napoléon et des Hugo se croient très capables de jouer les grands amoureux, les Roméos et les Pétrarques. Nul n’avoue son impuissance sentimentale… Et moi-même… Allons ! j’allais écrire que madame Beauchamp avait raison.

Le charme de la beauté est tel que j’admettais difficilement que ces grands yeux, ces lèvres de fleur, ce corps élancé de jeune déesse fussent perdus pour l’amour. Laide, Hélène eût gardé son même prestige de femme spirituelle, ses mêmes qualités d’amie, et son indifférence pour les choses de l’amour m’eût paru toute naturelle. Je la croyais sincère pourtant. La destinée avait déçu ses vœux de maternité ; son foyer restait désert : c’était assez pour justifier ses accès de tristesse, l’ironie qu’on sentait