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— Vous avez raison, évidemment.

— Il faut nous soustraire à cette prétendue domination de l’amour, reprit-elle. Ah ! s’il existait tel qu’on le rêve, tel qu’on le chante ! Les plaisirs de l’intelligence, les douceurs un peu graves de l’amitié, l’orgueil de n’être ni tyran ni victime et de voir toutes choses en face, sans peur ni bravade, cela suffit pour remplir la vie. Je ne demande ni plus, ni moins.

— Vous êtes sage et charmante, répondis-je en me levant pour prendre congé. Vous m’avez tout à fait converti… Malheureusement, les femmes comme vous sont rares.

— C’est la faute des hommes, dit-elle gaiement.

Elle semblait complètement remise. Les lampes apportées me montrèrent son joli visage un peu pâli, mais souriant. Elle me regardait avec une expression de raillerie affectueuse. J’eus la certitude que cette causerie familière m’avait fait faire un grand pas en avant vers l’idéal d’amitié que je désespérais parfois d’atteindre.