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— Mon cher ami, vous me prenez pour une provinciale romanesque. Vous croyez que mes accès de mélancolie proviennent de l’ennui d’une âme qui espère, regrette ou repousse ce qu’on appelle « l’amour ». L’amour !… Ce sont les poètes et les artistes qui l’ont inventé pour faire prendre patience à la pauvre humanité. Mais c’est le merle blanc, l’amour… ça n’existe pas !… Vous avez aimé, vous, aimé d’amour, aimé comme Léandre ou Roméo ? Allons donc !… Pas même comme Desgrieux !

— Permettez ! dis-je.

— Eh ! je ne prétends pas que vous ayez échappé à l’illusion éternelle. Vous avez eu, autant et plus que d’autres, vos petites crises de sentiment. Mais ça ne vous a pas empêché de dîner, de dormir, d’oublier et de trouver belles les femmes qui vous trouvaient aimable. Si vous aviez aimé, vraiment, une seule fois, rien ni personne ne vous aurait arraché à votre amour… et vous ne seriez pas ici, en face de moi, en train de philosopher devant les tisons, d’un air tranquille.