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s’entr’ouvraient sur la nacre à peine aperçue de ses dents, ses paupières frémissaient plus vite et, aux évocations de l’harmonie, je croyais voir sur ce chaste visage comme une langueur de volupté. Ou bien, quand les adagios de Beethoven prolongeaient leurs gémissements sonores, traversés par le rappel d’un héroïque allegro, les lèvres fines se serraient, les sourcils bruns tendaient leur arc, une énergie volontaire et sombre, un orgueil douloureux révélaient un nouvel aspect de cette créature qui semblait de toute grâce, de tendresse et de fragilité.

Je surprenais au passage ces apparitions de physionomie que j’étais seul peut-être à remarquer. L’habitude du portrait a développé chez moi une faculté d’observation et de divination qui me tenait lieu de science psychologique. J’arrivais facilement à reconstituer l’être intérieur par le sens particulier de chaque forme extérieure ; et le regard, le geste, les passages de pâleur ou de rougeur, un pli sur le front, une contraction des lèvres, me donnaient les