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On avait ouvert les fenêtres de sa chambre. L’air entrait avec l’âpreté de la mer, et la convalescente sentait la vie affluer en elle après les mois de souffrance et de chagrin. Ses joues se coloraient ; la jeunesse souriait dans le gris charmant de ses prunelles. Elle ne semblait pas changée, mais elle avait au front un pli, une cicatrice au cœur.

Dans le berceau, sous les mousselines, la petite Marthe-Marie dormait.

Marthe regardait verdir les ormes, la mer bleuir sous le ciel bleu, les voiles rouges filer vers la côte. Elle contemplait le fort où elle était entrée par une matinée splendide, et elle songeait que les pâquerettes et les renoncules jaunes allaient fleurir entre les pavés de la cour. Que cette matinée était loin !

Jean n’avait plus osé écrire, mais, dans son nouveau logis, là-bas, il comptait sans doute les semaines et les jours. Il savait que l’enfant avait dû naître, et Marthe sentait que tout le cynisme du jeune homme ne le défendrait pas contre l’obsession du mystère qu’il avait fui,