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le jour s’assombrissait. Mêlé aux plaintes de Marthe, on entendait, très loin, vers Maumusson, le grondement de l’orage.

Chaumette se pencha. L’émotion de l’homme, brusquement, fit place à l’impassibilité du médecin. Les sentiments professionnels le ressaisirent, et la voix de Marthe arriva à ses oreilles comme une voix étrangère, impersonnelle, incapable de modifier le mouvement de sa main et le cours de son sang.

C’était la fin. Les dents serrées, les mains cramponnées au chevet de son lit, convulsive et haletante, Marthe ne criait plus. Dans sa pauvre tête vide qu’elle roulait sur l’oreiller comme font les mourants, passaient des visions de cauchemar, Demarcys, Chaumette, tous les amours, toutes les douleurs de sa vie… Jean l’obsédait, Jean invisible était près d’elle. C’était par lui, pour lui qu’elle souffrait et sa plainte s’en allait, à travers l’espace et la mer, à travers la terre de France, vers l’homme qu’elle avait aimé… Il ne finirait donc jamais, ce martyre ? C’était trop. Elle ne pouvait plus souffrir, elle