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forêt de Saint-Trojan, sombre sous le ciel d’étain où passaient le pétrel criard, la mouette et le grand goéland à manteau bleu.

Marthe relevait la guipure dentelée qui frôlait l’épaisse volute de ses cheveux noirs. Petite comme les femmes de son pays — elle était née sur les confins du Béarn — elle paraissait presque grande par l’exquise proportion de ses formes. Le sang ibère dorait ses joues, fleurissait sa bouche. Marthe devait sans doute à ses origines le goût du silence, la fierté, l’instinct religieux et des forces de passion qu’elle ignorait elle-même. Elle ressemblait aux graves héroïnes de Calderon, aux infantes marquées pour des amours tragiques. Ses yeux étaient gris sous des cils très noirs, gris comme les ciels mouillés, comme les perles grises, moins ardents que lumineux. Au soleil, ils s’azuraient à peine ; le soir, ils s’agrandissaient pour contenir toute l’ombre crépusculaire. Clairs ou sombres, ils restaient purs.

Marthe songeait à son mari, qui cheminait, tranquille, sous le déchaînement de l’orage. Elle