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charmant jeune homme, M. Demarcys ». Marthe répondit que M. Demarcys était trop occupé, elle, trop souffrante, pour entretenir une correspondance. Le soir de ce même jour, elle pria le médecin d’interdire sa porte aux visiteuses qui, décidément, la fatiguaient trop.

À mesure que la grossesse s’avançait, les nuits devenaient plus pénibles. Étendue sur les oreillers empilés, Marthe sentait un poids écrasant remonter vers sa poitrine. Par lentes ondulations, l’enfant, déjà fort, se déplaçait, refoulant l’estomac, précipitant les battements du cœur, comprimant tous les organes dans sa prison douloureuse. C’étaient de brusques secousses, des séries de chocs réguliers, une palpitation de vie impatiente. Quand Marthe, épuisée, fermait ses paupières, un sursaut violent l’éveillait — et elle restait pâle, la main posée sur son flanc où couvait l’énigme vivante.

Alors, renonçant au repos, elle revivait l’année de passion, ses longs tourments, ses courtes joies. Elle se rappelait les promenades au bras de Jean dans les vertes solitudes des