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pressée dans ses bras pourtant ; il avait cueilli sur sa bouche les baisers défaillants et les paroles mystérieuses de la volupté ; il l’avait possédée corps et âme… Maintenant, quand Marthe désespérée venait à lui, il répondait froidement et correctement à son cri d’angoisse… il redevenait l’Étranger.

Pour la première fois, Marthe devinait un peu cet homme ni bon, ni méchant, médiocre et dur. Pour la première fois, son âme de femme, son âme novice et blessée se heurtait à l’égoïsme masculin, à l’égoïsme hypocrite qui empruntait, selon l’usage, l’accent de la prudence et de la raison. Et la rancune naissait dans l’âme féminine, une rancune sourde, secrète, tenace, une de ces haines qui sont éternelles parce qu’elles sont l’éternel regret de l’amour.

— Ne craignez-vous pas que votre mari s’aperçoive de votre absence ? demanda Jean, inquiet tout à coup.

— J’ai pris la chambre de mon fils ; mes insomnies troublaient Pierre… Si je ne suis