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Marthe resta muette. Le ton câlin de ce discours n’en masquait pas le sens véritable. Cet homme qui discutait, qui raisonnait, qui décidait, comme elle le sentait loin d’elle, étranger, inconnu, de l’autre côté d’un abîme !

Elle le regarda, pendant qu’il parlait, et son misérable cœur d’amante palpita d’une douleur nouvelle… Ah ! les yeux d’or, la grâce des paupières jeunes, les doux cheveux, la barbe délicate, et le sourire, et le regard, et la voix !… C’était cela, cela qui l’avait perdue !… Un charme émanait de cet homme, un charme qu’on subissait d’abord sans le comprendre, puis qu’on subissait encore en le maudissant, un charme inexprimable, un charme obscur comme le désir, enivrant comme un vin, pénétrant et léger comme un parfum. Hélas ! ce charme seul avait ensorcelé Marthe Chaumette. Elle ignorait la nature véritable, l’âme de Demarcys.

Et l’idée qu’elle n’était plus, qu’elle ne serait plus aimée, s’ajouta, se mêla pour l’accroître, à la terrible douleur de Marthe. Jean l’avait