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hommes, avec les degrés de la lumière et les alternances des nuits et des jours. Jean ? Elle ne le connaissait pas encore. À l’aube de la nuit amoureuse, elle s’était réveillée pâle d’épouvante, dans les bras d’un inconnu. Vainement, elle s’était pressée contre sa poitrine, en demandant : « M’aimes-tu comme hier ? M’aimeras-tu toujours ? » elle avait senti qu’elle embrassait un étranger, un homme dont elle ignorait la race, l’histoire, le caractère même. Entre eux, rien n’était commun, que la volupté d’une nuit. Jean, malgré lui, changeait de langage et d’accent ; la possession avait fait évanouir l’exquise nuance de tendresse que Marthe rêvait éternelle. La pauvre femme avait éprouvé l’angoisse qui saisit les plus fières, quand n’ayant plus rien à donner, elles craignent d’être dépréciées aux yeux de leur amant, quand l’avenir d’une passion se révèle par un mot, un regard, un silence qui font blessure. Marthe sentait qu’il n’est pas de bonheur possible sans l’illusion de la durée, et que cet amour n’était qu’une aventure, un incident sans