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rappelaient seuls que la vie continuait, inquiète et bruyante, hors des remparts enchantés. Marthe, la tête dans ses mains, goûta la trêve.

Elle n’osait plus se souvenir ; elle n’osait plus penser. Elle était comme suspendue entre le passé qu’elle avait détruit et l’avenir qu’elle allait vivre. Elle ne se sentait ni colère, ni remords, ni douleur précise, rien qu’une lassitude infinie, un évanouissement intérieur. Parfois, une réminiscence la traversait et elle tressaillait tout entière. Puis elle sombrait dans la torpeur. Ses prunelles se distrayaient aux taches jaunes des fleurettes, aux anfractuosités de la pierre. Elle avait envie de mourir.

Son mari, son enfant, Demarcys, passaient dans sa mémoire comme des fantômes et, à cette heure, elle ne savait même plus si elle les avait aimés. Transportée hors des réalités anciennes de sa vie, elle attachait un regard morne sur ces ombres. Pierre ? Georges ? Elle les avait connus naguère, dans un passé qui ne se mesure pas avec les heures créées par les