Page:Tinayre - L Ennemie intime.pdf/157

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le lyrisme plus riant projette son rayonnement sur les paysages inspirateurs. Les deux derniers recueils, Finistère et Océan (édit du Divan), nous ont dépeint les beautés sauvages et prenantes de la Bretagne ; les poèmes publiés cette année : hi Féerie provençale (même édit), offrent des tableaux tout aussi prenants de la mer bleue et de ses rives en fleurs. La musique des vers s’adapte aux frissons de cette atmosphère, lumineuse jusqu’en ses grisailles.

Dans l’amour et dans la nature, Mme Jeanne Perdriel-Vaissière a trouvé, elle aussi, le secret de beaux accents qui lui ont valu d’estimables couronnes. Et, de même que Mme Cécile Périn, elle a, au fil des recueils, discipliné son rythme dans le moule des formules classiques, ce qui donne plus de relief, de force à la pensée. Son livre récent. Feuillages (Messein, édit.), est une gamme de nuances délicates aboutissant à l’accord parfait des tonalités propres à la Bretagne. Les images en sont jolies, sans banalité, les rythmes souples. En contraste, un cycle de chauds poèmes sur l’Italie, Italia bella, clôt et complète le volume.

Mme Jeanne Charles-Normand, l’auteur du Jardin caché, témoigne, dans ses Poèmes de l’amour et de la mort (édit. Le Rouge et le Noir), de sa préférence pour les paysages intimes de l’âme. Une vive sensibilité se trahit en ses vers tendres et nostalgiques, souvent tristes dans leur réalisme qui se compose étrangement avec le penchant pour le rêve et l’espoir, sources de l’éternelle déception.

Mlle Rose Malhamé dédie Au dieu inconnu (édit de la Caravelle) les vers de son premier recueil. Un art exquis des nuances, une heureuse délicatesse d’expression et l’harmonieux secret des cadences laissent penser que l’auteur de ces sonnets et de ces courts poèmes réussira non moins bien en des pièces d’un souffle lyrique plus vaste et plus soutenu.

C’est aussi dans le miroir de ses propres émotions que Mlle Brigitte de Meslon voit se refléter les heures inégales de la vie. Son recueil, un Jour après un jour (édit, de la Revue des portes, librairie académique Perrin), prouve d’agréables dons que l’expérience du métier perfectionnera sans nul doute. Au fil des fours, Mlle Simone d’Arverne (édit. U. S. H. A. Aurillac) nous offre également les prémices d’un talent déjà plein de fermeté et très compréhensif des meilleures formes d’art. Et nous tenons À citer encore les Enfants et les mères, de Mme Hélène Mury (Messein, édit.), les Élégies et Chansons, de Mme Anna Roger Favre (Braun et Cie, édit., Mulhouse) dont le romantisme modernisé ne manque ni d’expression, ni de grâce ; puis deux volumes aux titres presque liés : Soleil de France (librairie de la Revue française ), par M 11 ® M.-À. Vigoureux de Kermorvan dont l’art réel et l’harmonie instinctive révèlent une personnalité intéressante capable de mener à bien une œuvre d’artiste, et Sagesse de France, de MH® Alice Héliodore (édit de la Caravelle) qui tresse au gré de ses promenades à travers nos provinces une éclectique guirlande d’impressions et de strophes ; enfin, la Coupe d’albâtre, de Mme Francis d’Avila (édit de la Jeune Académie), contient des pages graves et mélodieuses pour lesquelles M. Maurice Bouchor a écrit une lettre-préface, et le Chant neptunien, de Mme Gina Sandri (édit des Œuvres représentatives), est fait de poèmes d’inspiration philosophique et idéaliste dont M. Mario Meunier nous incite à remarquer la noblesse de forme.

Ne faut-il point ici accorder une place aux auteurs de poèmes en prose ? Les femmes réussissent assez bien dans ce genre qui requiert le double don d’une fine sensibilité et d’une précise expression musicale. Ainsi Mme Germaine Kellerson groupe, dans Inquiétudes (édit. de la Caravelle), des pages d’amour et de larmes préfacées par M. André Lamandé. Le recueil de Mme Blanche Messis : les Pétales (édit de la Jeune Académie), s’anoblit de la même émotion nostalgique, et Mme Mathilde Pouxès enrichit son recueil : Ferveur (édit, de la Jeune Parque), de subtilités harmonieuses que loue avec sympathie M. Paul Valéry dans une lettre-préface.


Études philosophiques et religieuses.

Au Vatican, trône du monde, M. Joseph Bernhart a consacré une œuvre d’histoire et de philosophie qui nous est offerte dans l’édition française de M. Eugène Bestaux (Payot, édit, 40 fr). Réunissant en soi toutes les formes de gouvernement, le Vatican est en même temps un des phénomènes les plus intéressants pour qui cherche à pénétrer le sens profond de l’histoire. Monarchique et démocratique, absolue et élective, la papauté prend ses représentants aussi bien parmi les humbles que parmi les grands de la terre. Le plus modeste des croyants peut donc arriver à une dignité à laquelle nulle autre ne peut être comparée, puisque celui qui en est revêtu détient un pouvoir illimité sur près de trois cent cinquante millions de fidèles.

Si le livre de M. Joseph Bernhart témoigne d’un louable souci d’impartialité, il est cependant l’œuvre d’un catholique. On y respire partout, même aux pages les moins glorieuses, l’accent d’un amour à la fois sincère et courageux. Surtout, on voit s’y dérouler, comme en un film exceptionnel, toutes les heures d’histoire sur lesquelles le Vatican projette son ombre prestigieuse.


M. Charles-Francis Potter traite des Fondateurs de religions (Payot, édit, 25 fr ), un ouvrage où se groupent les portraits des grands génies religieux qui ont marqué de leur empreinte l’histoire de l’humanité. L’auteur montre comment leurs doctrines reflètent les conflits ou les harmonies de leur âme. Dans cet ouvrage qui s’adresse à tous ceux que les religions intéressent du point de vue historique et psychologique, sont étudiés la vie et l’œuvre d’Akhounaton, le célèbre pharaon d’Égypte ; de Moïse, de Zoroastre, du prophète Jérémie, de Bouddha qui depuis vingt-quatre siècles fait vivre dans sa doctrine de paix des millions d’êtres, de Confucius, de saint Paul, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, de Mahomet, de Nanak, le fondateur de la religion chiite, puis de Luther et du réformateur de l’église russe : Nikone.

La Vie de Nostradamus, le fameux astrologue dont les prophéties eurent dans le premier tiers du seizième siècle un retentissement mondial, est évoquée et commentée par MM. Jean Moura et Paul Louvet (N. R. F., édit). L’homme n’est pas moins curieux que son œuvre. Personnage troublant, énigme vivante, païen la nuit, chrétien le jour, il entretint des relations secrètes avec la papauté, en même temps qu’il sacrifiait aux dieux antiques en se faisant disciple de Branchus, de Psellus et imitateur de la pythie de Delphes. Savant astronome, il fut le précurseur de Galilée et de Newton. Médecin astrologue, il combattit la peste par des méthodes nouvelles et sauva des milliers de personnes. Mage mystérieux, il devint le conseiller secret de Catherine de Médicis et l’officiant occulte de ses pratiques hermétiques.

Il fut peut-être l’homme le plus célébré et le plus critiqué de son temps j, il en est demeuré pour nous le plus mystérieux.


Le Directeur : René Baschet. — Imp. de l’Illustration, 13, rue Saint-Georges, Paris-9e (France). — L’Imprimeur-Gérant : Th. Huck.