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LES LIVRES NOUVEAUX


Études littéraires.

Nous devions déjà à M. Maurice Levaillant une remarquable anthologie critique de l’Œuvre de Lamartine. M. Levaillant ne pouvait pas ne pas nous donner un autre livre, consacré, celui-ci, à l’Œuvre de Victor Hugo. Cet ouvrage, qui témoigne d’une grande vigilance documentaire et d’une science parfaite des lettres et de la Société française au dernier siècle, vient de paraître (Delgrave, édit). Il sera bien accueilli.

L’auteur s’est proposé, dans ce volume de près de 700 pages, de présenter l’œuvre et la vie de Victor Hugo sous la forme d’un tableau général où seraient ménagés avec soin l’éclairage et la perspective : « Pour comprendre la vie et l’œuvre, il faut tenir compte des influences et du temps. Victor Hugo a accompagné le dix-neuvième siècle dans sa marche, qu’il appelait une ascension. Son art s’est développé, enrichi, transformé avec ce siècle. Pour dépasser ses contemporains, il s’est d’abord appuyé sur eux ; il a pris sa part ardente de leurs passions, de leurs conceptions, de leurs illusions. Avec les générosités et les faiblesses de son temps, avec ses propres faiblesses même, il a su faire de la grandeur. Il l’a indiqué en 1856 ; c’est parce qu’il a souffert comme un homme qu’il a fait entrer dans son âme l’âme de tous les hommes. Il est ainsi devenu successivement l’Olympio de 1840, le Titan de l’exil, le Mage des Contemplations. »

À l’étude et à la citation des œuvres de Victor Hugo, M. Maurice Levaillant a donné un ordre logiquement et strictement chronologique. Pour faire connaître Victor Hugo, l’auteur de l’ouvrage s’est adressé aux œuvres significatives qui, de 1820 à 1885, marquent les étapes de sa grandeur, de son action parmi ses contemporains, de sa renommée par le monde. Les extraits publiés ont été choisis en vue d’une explication à la fois scolaire et littéraire, à laquelle les introductions, les notes qui accompagnent chaque morceau fournissent une information abondante.

L’ouvrage de M. Maurice Levaillant ne ressemble en rien à ces compilations hâtives dont on prétend faire des livres de vulgarisation. Il s’agit d’un travail de longue haleine, suivi passionnément avec le secours de manuscrits originaux et de nombreux papiers inédits. La précision et la clarté des notices rendent très agréable cette suite liée de leçons. Et nous souhaiterions que, sur chacun de nos grands classiques, nous soit donné un ouvrage aussi intelligent que cette substantielle et parfaite étude de M. Maurice Levaillant sur Victor Hugo.

George Eliot, comme Walter Scott et comme Dickens, est l’un de ces écrivains anglais que l’on ne peut pas ne pas connaître. Mme Émilie Romieu et M. Georges Romieu à qui nous devons déjà une Vie des sœurs Bronte nous donnent, chez le même éditeur (N R. F ), une Vie de George Eliot. Cette grande romancière britannique n’est pas seulement la plus parfaite incarnation du réalisme victorien, elle est aussi femme dans tout ce qu’implique ce mot de grandeurs, d’abnégations et de faiblesses. Sa vie est le déroulement d’un drame sans merci, né de l’incessant conflit entre son esprit et son cœur, sa conscience et l’impérieux besoin « d’être deux ». La tendresse clairvoyante et souriante des auteurs donne, en ce livre, une vie sensible au document.

Les grammairiens de l’antiquité se sont chargés de « romancer » la biographie d’Euripide en l’imageant d’anecdotes malveillantes. Mme Marie Delcourt a cherché les réalités de la Vie d’Euripide (N. R. F.) dans l’histoire de son esprit telle que ses œuvres la laissent entrevoir ; encore cette vie ne prend-elle sa signification complète que projetée sur le déclin du cinquième siècle athénien. Dans cette admirable époque, les hommes cherchent à se connaître et à connaître la nature. Ils y apportent de la hardiesse et des terreurs superstitieuses qui alternent comme un flux et un reflux. Euripide les attire et les scandalise. À la fin de la lutte qui doit détruire la grandeur d’Athènes, la psychose de guerre frappe le rationalisme naissant. Euripide, comme au temps de sa jeunesse, est tenu pour impie et Socrate va être mis à mort. À soixante-dix ans passés, Euripide s’en va en Macédoine, non pas, comme on l’a dit, qu’il crût perdue la cause athénienne, mais parce qu’il pensait servir encore Athènes en allant porter un message de poésie et d’intelligence grecques à la cour d’un roi barbare. Du lointain voyage, il ne revint pas, mais renvoya dans Athènes deux filles immortelles, la tragédie d’Iphigénie et celle des Bacchantes. Après sa mort, le poète qui avait tant scandalisé les Athéniens devint leur dramaturge favori. Ses tragédies, vingt fois reprises, agirent sur le théâtre latin, sur la Renaissance européenne, sur le classicisme français. La vie et l’œuvre d’Euripide sont situés en de parallèles clartés dans le livre de Mme Marie Delcourt que présente un avant-propos de M. Jean Schlumberger.

Poètes et Poèmes.

L’année qui vient de s’éteindre et qui fut celle du centenaire du Romantisme a été féconde en poèmes, si féconde que la présentation même sommaire de ces ouvrages a dû souffrir d’inévitables retards. Nous avons déjà signalé un bon nombre des quelques centaines de volumes reçus au cours de ces derniers mois. N’omettons point de joindre à cette gerbe lyrique : les Rythmes épars, de Jean-Marie Mestrallet (Messein, édit.), qui représentent l’ultime chant du poète mort peu de temps après cette publication et dont le nom reste attaché à une œuvre haute et claire de tradition classique ; Notre monde, de M. Daniel de Venancourt (Marcel Seheur, édit.), qu’une large pitié humaine inspire et soulève : les Grains du collier, de M. Emile Lutz, peintre très artiste des âmes exotiques en leurs décors ; le Souffleur de bulles, de M. Alfred Mortier (Messein, édit ) qui obéit aux suggestions des rythmes musicaux sans toutefois leur sacrifier l’indépendance de sa pensée ; les Heures calmes, de M. Charles Mathiot (Lemerre, édit.), recueil d’inspirations très diverses où alternent les poèmes descriptifs et les effusions lyriques. « La poésie de Charles Mathiot, nous dit M. Raymond Poincaré dans l’amicale préface qu’il a écrite pour ce livre, ne se contente pas de jouer avec les couleurs, les ombres et les lumières. Elle s’exerce avec autant de plaisir aux rythmes et aux cadences. » La Source claire, de M. Louis-M. Poullain (Lemerre, édit.), lauréat du prix Sully-Prudhomme 1930, est une œuvre de traditions parnassiennes, malgré quelques images symbolistes qui réveillent la tonalité de l’ensemble. Un groupe de poètes s’érigent en main teneurs de l’amour du terroir : M. Guy de Montgailhard, Sur le sol natal, (Caillé, édit.), exalte le soleil, les vignes et les cigales du Midi ; M. Henri de La Guichardière, barde et druide breton, nous exprime dans les Heures d’un Occidental (édit. Spes) ses ferveurs pour la terre d’Armor, tandis que M. Pierre Nocquet imprègne son Printemps normand (édit des Gémeaux) de la fraîcheur lumineuse des pommiers en fleurs et que M. Pierre Bellean, dans Lumière de