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terni des miroirs de Venise, où de vagues formes gravées représentaient des masques dansants. Par la fenêtre ouverte on apercevait les festons des pampres, les colonnettes de la loggia et plus loin, entre les fuseaux noirs des cyprès, la rotonde brisée du Temple de la Sibylle. Une vapeur laiteuse flottait sur le ravin, et l’orchestre des eaux, cascades et cascatelles, prolongeait un tremolo infini.

Giola !… carezza mia !… tenerezza mia !…

— Béatrice, mon amour !

Le lit, très vaste, était sculpté et doré comme un retable. Il remplissait la chambre d’une somptuosité ardente, un peu théâtrale, avec son dôme et ses tentures que retenaient deux anges païens. Béatrice était bien belle, couchée sur ce lit. Les épingles brillantes de ses cheveux, les bagues brillantes de ses doigts étaient tombées ; ses paupières lasses étaient closes ; mais, entre ses lèvres, ses dents luisaient un peu, et l’ombre pourpre du rideau, flottante à la brise, semblait amoureuse de sa nudité.

Tout imprégné de fraîcheur et de langueur, Georges s’endormait sur le sein de sa maîtresse et le souvenir de leur félicité blanchissait comme