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n’avoir jamais appris cette mélodie qui naissait sur ses lèvres, comme le mode le plus doux de son langage, comme l’expression spontanée d’un sentiment réel. C’était Parisina, marquise d’Esté, jeune femme mariée à un vieillard, éprise du fils de son mari, tendre et sensuelle, et presque ingénue, heureuse avec l’ombre de la mort sur le front… Comme Georges l’avait aimée, naguère, et comme il l’avait faite sienne, à force de l’évoquer ! En écrivant ce prélude du second acte, il l’avait tenue devant les yeux de son âme, telle une maîtresse jamais possédée et qui se livre pour une nuit, une seule nuit… « Chante !… lui disait-il… Aime… demain tu mourras… » Et plus tard, quand il avait dû la tuer, il avait pleuré, de vraies larmes, en se moquant de lui-même…

Il retrouvait, paupières closes, cet état merveilleux d’hallucination qui est l’état de grâce de l’artiste. Il avait oublié le théâtre, le public, — et l’Alberi !… Aux premières répliques du ténor, le mirage se dissipa. Clarence osa regarder la scène.

Il vit le décor moyenâgeux, les costumes déjà fanés, et le bâtard d’Esté, Ugo, pâle et un