Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.

au fils de son mari : « J’ai peur d’aimer… » Elle avait l’air d’une femme qui a peur… qui se souvient…

— Chut ! chut !… écoutez…

— Le prélude de la scène d’amour…

— C’est si beau !

Le chant des violoncelles couvrit les murmures de la salle, et, pendant que le rideau se levait, Clarence, violemment ému, ferma les yeux… On avait trop parlé de l’Alberi pour qu’il ne s’en fût pas composé une image idéale, pour que la crainte de la désillusion possible ou de la surprise inévitable ne lui fit pas battre le cœur… Il comptait… trois… quatre mesures… et, sans la voir, il l’entendit chanter.

Cette voix !… Dans les profondeurs de l’esprit, dans les limbes où la mélodie flotte, aux premiers instants de la création, Clarence avait entendu cette voix qui était celle de sa pensée musicale… Oui, c’était l’argent clair des notes hautes, la douceur veloutée du médium, le son tragique de notes graves et le timbre même si altéré tout à coup, et si beau, quand l’extase amoureuse devient l’ivresse amoureuse… L’Alberi ne chantait pas un rôle ; elle sembla