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que tu l’aies aimé, toi… toi, si jeune !… qui l’as si mal connu !… oh ! cela me console un peu, dans ma misère… Je n’aurais pas cru que ce fût possible !… Et pourtant, toi… toi… tu ne savais pas… tu n’avais que l’instinct du cœur… et les autres… là-bas… ils se consoleront vite…

— Les autres ?… Les gens de votre famille ?…

La veuve hausse les épaules… Une onde nerveuse passe sur son visage meurtri… Quel sentiment de rancune, de mépris, d’inimitié inavouable, se mêle, âcrement, à sa douleur ?… Le jeune homme n’ose l’interroger.

Comment, sans expérience, sans autorité, par le seul droit de la tendresse, toucher aux plaies de ce cœur féminin, de ce cœur mûr et meurtri ?… Il pressent un désastre intime que des circonstances ignorées, des influences étrangères, compliquent en l’aggravant — et la vie lui apparaît tout à coup si sombre et si dure à tous qu’il s’effraie… Sa jeune volonté fléchit… Tout est trop triste, trop laid, trop bête, trop injuste !… Le dégoût de vivre lui monte à l’âme.

— Robert, tu pleures ?… Je t’ai fait de la peine, mon petit, mon petit Robert ?… Oh ! mon Dieu !…