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et incomplètes qu’il avait reçues, au hasard de conversations entre camarades, se précisèrent. Il apprit, ou devina, la plus haute poésie de l’amour et ses plus basses réalités. Ce fut un trouble profond, violent, et qui n’était pas toujours sans douceur… Mais ces lumières diverses et douteuses jetèrent un reflet sur la vie même. Robert comprit les histoires que racontent à demi-mot les grandes personnes, les scandales qui éclatent, de temps à autre, dans les petites villes bavardes et hypocrites. Il sut que la bonne des voisins était enceinte par le fait du « patron » sexagénaire, que la pharmacienne s’était fait avorter, que la femme du premier clerc avait suivi un amant…

Ces révélations ne salissaient pas l’idée romantique et naïve qu’il s’était composée de l’amour, — l’amour sublime et fatal, qui fait pleurer la Muse de Musset, qui joint les mains de madame de Mortsauf et du jeune Vandenesse… Mais Robert devinait que ni la pharmacienne, ni la servante, ni la femme du premier clerc n’avaient connu cet amour-là.

Et une crainte nouvelle pénétra l’âme ombrageuse de l’adolescent. Ses parents !… ses parents