de ses fiançailles, et, me voyant rêveuse, les yeux fixés sur le foyer, elle me dit :
— Peut-être, ma petite amie, jugez-vous bien puéril ce radotage de vieille femme. Mais vous avez dix-neuf ans : bientôt vous serez aimée, vous aimerez.
Je secouai la tête. Madame Marboy posa sa main sur mes cheveux :
— Aucun rêve n’habite sous ce front calme, sous cette chevelure blonde ?
— Aucun, répondis-je, et je me demande même si la race des hommes qui peuvent inspirer l’amour n’est pas tout à fait perdue.
— Pourquoi donc, mon enfant ?
— Les hommes que j’ai vus chez madame Gérard n’appartiennent évidemment pas à cette race. Ils sont tous préoccupés de leur situation, de leur avenir, des modifications matérielles que le mariage apportera dans leur existence. Ils sont jeunes pourtant. Quelques-uns sont beaux. Mais rien, en eux, rien ne peut inspirer l’amour. Aussi ne le demandent-ils pas. Ils se contenteront d’une affection honnête et médiocre, d’un compromis entre l’intérêt et l’amitié.
— Qui vous a si bien instruite, bon Dieu ! Vous ne lisez pas de romans ?