Page:Tinayre - Hellé, 1909.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
Hellé

logues, l’oncle Sylvain déclara qu’il se chargeait de mon éducation.

Pour M. de Riveyrac, mon enfance représentait exactement l’enfance de l’humanité. Au lieu de fatiguer avec des dates, des axiomes, d’inutiles détails, ma souple et docile mémoire, il suivit l’indication naturelle et m’instruisit par une habile série de leçons de choses, puis par la légende, par la poésie, par le chant.

Peu nombreuses furent mes heures de travail, lecture, écriture, exercices de calcul et de dessin. Mon oncle ne me laissait jamais m’acharner contre les difficultés rebutantes, et, sans me donner la solution ou l’explication que je cherchais, il me mettait adroitement sur la voie. La plupart du temps, j’emportais mon livre au jardin ; mais, par les jours froids ou pluvieux, il m’était permis de m’installer dans un coin de la bibliothèque. Je revois encore la vaste pièce à boiseries brunes, où des livres, des livres et encore des livres couvraient les murs. Je n’ai pu oublier son atmosphère spéciale, l’odeur des reliures anciennes, la poussière accumulée sur les moulages. De chaque côté de la cheminée, deux bustes en plâtre, aux prunelles vides, représentaient Homère et Platon. Sur un panneau, entre les médaillons de Gœthe et de Schiller, il y avait un fragment des frises du Parthénon et une grande photographie d’après la fresque de Raphaël, l’École d’Athènes. Entre les deux fenêtres, une vitrine protégeait une petite Pallas en terre cuite, provenant des fouilles d’Olympie.



DEBOUT DEVANT SON PUPITRE…

Debout devant son pupitre, mon oncle écrivait. Un reflet éclairait à revers son profil romain, les pointes de son col très haut, sanglé d’une cravate noire, ses cheveux gris ramenés en touffe sur le sommet du crâne. Dès que quatre heures avaient sonné, il posait la plume. Je mettais mon chapeau de paille et, soit à travers champs, soit au jardin, le long des espaliers, lourds de leurs trésors, je racontais ma lecture, que mon maître commentait.