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Hellé

brutalement même ; cet entretien est plus grave que vous ne le pensez, et il ne doit y avoir aucune équivoque entre nous. Vous m’accusez d’avoir manqué de tact ; moi je vous accuse d’avoir manqué de loyauté. J’ai été imprudente, soit. Vous avez été faible et veule.

— J’ai fait ce que tout homme bien élevé doit faire en pareil cas. J’ai correctement gardé le silence.

— Il y a des cas où le silence est une lâcheté.

— Hellé !

— En vous taisant, vous vous êtes fait le complice d’une calomnie. Vous avez agi en homme bien élevé ? J’aurais préféré vous voir agir en homme, fût-ce au détriment de la correction, de la prudence et de vos intérêts.

— J’ai fait ce qu’il m’a plu de faire. Et si je n’ai point défendu Genesvrier, c’est que j’avais de bonnes raisons pour me taire.



IL ÉTAIT ASSIS…

— Je voudrais bien les connaître, ces raisons.

— Ne souhaitez pas que je vous dise toutes.

— Je ne crains pas la vérité.

— Vous avez tort.

— Parlerez-vous ? dis-je enfin, après un silence.

D’une voix sourde, il répondit :

— Tant pis ! vous l’aurez voulu.

— Eh bien ?

— Eh bien ! votre cher ami Antoine Genesvrier n’est pas le héros impeccable que vous admirez béatement. Il court sur lui toute espèce de bruits… Parbleu ! il est malin, très malin, très fort, mais pas assez pour qu’on ne puisse deviner ses manœuvres.

— Que voulez-vous dire ?

Il sourit avec une ironie méchante.

— J’ai pitié de vos illusions, Hellé. Vous vous croyez très sage, et vous êtes prodigieusement naïve. Mais sachant ce que je savais, devant votre culte pour votre ébauche de grand homme, je me suis tu, par charité, par délicatesse.

— Peu m’importe votre délicatesse et votre charité ! Vous en avez trop dit ou trop peu, Maurice. Il faut aller jusqu’au bout.

— Apprenez donc que je trouve un peu excessive votre amitié pour un homme qui s’est tranquillement joué de vous… Oh ! j’ai ouï dire bien des choses, depuis quelques jours !… Vous avez cru qu’il admirait votre haute intelligence, et peut-