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SOSIPATRA ET LA COURTISANE

de roses ? Est-ce qu’on prend un voile de soie pour laver les dalles des cuisines ? Non, Sosipatra ne soupçonnait point le dévergondage de Philométor, puisqu’elle l’honorait de son amitié. Un cousin, c’est presque un frère. La voix du sang parle pour lui, dans le cœur d’une bonne parente. Elle parlait si bien, cette voix, qu’un jour, – Philométor étant à la campagne, loin de Pergame, – Sosipatra, qui faisait une admirable leçon sur le dernier voyage de l’Âme aux Enfers, s’arrêta brusquement, comme si elle voyait et entendait on ne savait quoi d’invisible… Et tout à coup, pâle, tremblante, bouleversée : « Ô Dieu ! s’écria-t-elle. Mon cousin Philométor est tombé de son char ! Ses chevaux le traînent, comme Hyppolyte. Il va mourir ! Il va mourir ! Au secours ! » Maxime s’élança pour soutenir la jeune femme défaillante. Tous les élèves s’étaient levés de leurs sièges… Mais Sosipatra, déjà rassurée, poussait un grand soupir : « Ah ! il est sauvé ! Ses esclaves l’emportent sur une litière. Il gémit un peu, car il a les mains et les coudes tout écorchés, mais, dans cinq ou six jours, il sera guéri… » Ayant ainsi parlé, elle ouvrit ses yeux, tout grands, comme une personne qui s’éveille d’un songe, et demanda :