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FIGURES DANS LA NUIT

cagoule pointue et le bâton processionnel ; puis les moines de tous les ordres ; les prêtres de toutes les paroisses ; les curés, les chanoines, les dignitaires du Chapitre, le vicaire épiscopal, l’évêque enfin, l’évêque, comte de Tulle ; le maire et les consuls en livrée, les officiers, les magistrats, les notables. Derrière ce cortège qui représentait la vie sociale, morale et spirituelle de la cité limousine, une foule, chantante et dansante, élevait des rameaux de châtaignier. Toutes les femmes avaient mis sur leurs cheveux de frêles couronnes de cire et des guirlandes de roses ; tous les jeunes garçons avaient ceint des cordons de camomille blanche au fort parfum. Cierges, flambeaux, bannières, objets sacrés et corps vivants étaient tellement parés de fleurs et de verdure, qu’on aurait cru voir des jardins, animés par miracle, débordant les rues, dans un nuage odorant. Sur la tour du clocher, clairons, tambours et fifres répondaient au déferlement des cantiques battant le vieux porche comme une marée. Cet orchestre suspendu se taisait parfois. Alors, les chants seuls emplissaient l’Enclos ; puis un immense voile musical tombait du ciel, ondulait, couvrait Tulle de ses plis sonores,