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à Machatès, pour se confondre avec la Chose sans forme et sans nom qui venait dans les ténèbres.

« J’ai trop bu de ce vin noir, pensa-t-il, en regardant l’amphore presque vide. »

À ce moment, le chien poussa un hurlement comme s’il avait vu l’Hécate aux trois visages, puis il jeta de petits cris joyeux et se tut.

« Quelqu’un est entré dans le jardin, se dit Machatès. Non pas un étranger : le chien le connaît, et lui fait fête… Un esclave de la maison ?… Peut-être le jardinier qui fait sa ronde ?… »

Cette idée aurait dû le rassurer. En fait, son esprit était calme. La partie pensante de son être observait la partie matérielle, et se moquait de son inexplicable angoisse. Il se répéta, mentalement :

« Je n’ai pas peur… De quoi aurais-je peur ?… Tout ce que croit, le vulgaire est une fiction, bonne pour les âmes simples. Les dieux n’existent pas et les morts sont morts… »

Soudain, il entendit des pas, dans l’escalier, des pas très lents, comme d’une personne gênée dans sa marche.

« C’est la servante qui revient, se dit-il…