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LA SIRÈNE DE KERDREN

— Je ne vous conterai point ses aventures. Sachez seulement qu’elle se distingua par un bonheur singulier pendant toute la campagne. Les orages et les combats la trouvèrent invulnérable.

» Elle revint à Brest au début de 1678. Mon grand-père débarqua et s’en fut à Versailles, où monsieur de Seignelay le présenta au roi Louis xiv

— D’exécrable mémoire…

M. de Kerdren tressauta, comme s’il allait se lever de son fauteuil et se jeter sur Mazurier. Celui-ci, nageant dans un éther brumeux, noyé de délices, fixa son regard vague sur le vieillard qui se calma soudain et se mit à rire.

— Oui, citoyen, oui, mon ancêtre fut reçu par le Nabuchodonosor de Versailles. Les infâmes courtisans lui firent mille honnêtetés, et monsieur de Seignelay lui annonça qu’il commanderait désormais l’Intrépide, un vaisseau de soixante-quatorze canons.

» Ainsi, Ronan dit adieu à sa frégate, à la sirène de proue qui lui était devenue chère comme le palladium de sa fortune, et qu’il eût aimé emporter avec lui, sur l’Intrépide. Presque aussitôt, il reprit la mer et s’en fut