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FIGURES DANS LA NUIT

grand plaisir était de chanter, à voix claire et belle, et de converser, en chantant, avec les plantes et les bêtes des bois. Souvent, à l’imitation du saint d’Assise, il prenait deux bâtons, l’un en guise de viole, l’autre en guise d’archet ; et faisant vibrer des cordes imaginaires, il inventait des mélodies si touchantes qu’elles disposaient tous les cœurs au plus tendre amour de Dieu.

Or, par une nuit de printemps, il arriva que le feu prit en un bois de pins, sur la pente de la montagne, et, gagnant d’arbre en arbre, menaça un petit hameau. Les paysans demandèrent du secours à l’abbé de la Verne, qui ne se contenta pas de prier et de faire sonner la cloche. Sachant que le ciel aide celui qui s’aide lui-même, il envoya quatre moines, les plus jeunes et les plus robustes, au secours du village menacé. Ils partirent, sous la conduite du vieux Père Bénédict, qui connaissait tous les sentiers de la Verne. Duccio était parmi eux. Tandis que la cloche tintait, dans la froide nuit sans lune, et que l’incendie rougeoyait tout en bas, les moines, s’appuyant sur des bâtons, dévalaient en hâte, glissant, tombant, se relevant, s’accrochant aux genêts, frôlant des abîmes, mais indifférents au