Page:Tinayre - Chateaux disparus.pdf/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jacques Legrand, prêchant devant la Bavaroise, le jour de l’Ascension, exprima la pensée de Paris en s’écriant : « La déesse Vénus règne seule à votre cour, ô Reine, l’ivresse et la débauche lui servent de cortège et font de la nuit le jour, corrompant les mœurs et énervant les cœurs. Partout l’on parle de ces désordres et de beaucoup d’autres… » Isabeau, qui était vindicative, n’osa pas châtier le prédicateur et le roi, ayant eu connaissance du sermon, s’en déclara très content, car il avait dans ses ténèbres des éclairs de lucidité.

En ce temps-là, il n’habitait plus l’Hôtel Saint-Pol. On l’avait installé, ou relégué, à l’Hôtel des Tournelles, où ses successeurs s’établirent délaissant l’Hôtel Saint-Pol. En 1516, François Ier vendit par morceaux l’ancienne demeure de Charles V. Jacques de Genouillac, grand-maître de l’artillerie, en acheta une partie, au lieu où s’éleva plus tard l’Arsenal.

Les Tournelles, construites en 1380 par le chancelier Pierre d’Orgemont, avaient passé, en 1404, au duc de Berry, en 1422 au duc d’Orléans, puis cette merveille d’architecture gothique était devenue anglaise. Henri VI et le régent Bedford avaient occupé ce logis qui redevint français aux mains de Charles VII. Louis XI, Charles VIII, Louis XII, François Ier l’habitèrent et l’embellirent. On y voyait le même dédale extraordinaire de bâtiments, de jardins, de cours, de ruelles, qu’à l’Hôtel Saint-Pol ; quatre chapelles, deux parcs, un labyrinthe, des salles pavées d’admirables mosaïques, la « salle de brique », la salle des Écossais, la galerie des Courges, la chambre somptueuse de la duchesse de Bedford et celle où