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Pol. Le duc d’Orléans, beau, gracieux, spirituel, léger de scrupules, assistait sa belle-sœur, un peu plus que fraternellement. Le 28 janvier 1439, il y eut bal et mascarade. Le roi et cinq de ses amis déguisés en sauvages, pour intriguer les dames, portaient des maillots de toile imprégnée de poix et roulée dans la plume. Enchaînés en file, ainsi que des captifs menés par un vainqueur, ils entrèrent à l’improviste dans la grande salle. Il était tard. Les flambeaux étaient sans doute consumés en partie, puisque le duc d’Orléans voulut éclairer le cortège grotesque. Il approcha une torche et, soudain, le feu prit au maillot d’un des sauvages. Tous flambèrent, parmi les bousculades et les cris. Isabeau s’évanouit. Par bonheur, la jeune duchesse de Berry, qui avait reconnu Charles, jeta sur lui la lourde et longue traîne de sa robe, étouffa la flamme et le sauva. Les cinq malheureux compagnons du roi moururent et Paris, consterné, commença de se fâcher contre l’Étrangère. « Là ne s’en peuvent les vilains taire, dit le duc de Bourgogne à Charles VI, et disent que si le meschef fût tourné sur vous, ils nous eussent tous occis. »

La folie du pauvre roi s’aggrava dans les années suivantes. Il refusait de se laver, de se raser, de changer d’habit et tombait à l’abjection de la bête. Son épouse engraissée et voluptueuse répugnait à la vie commune. Elle se consolait avec le duc Louis qui oubliait près d’elle sa tendre et triste Valentine. Tous deux avaient des rendez-vous nocturnes dans le jardin d’Isabeau, un jardin clos de murs et fermé de portes à serrures, pris sur le terrain dit « le Champ au plastre, sis en la rue du Petit-Musc ». Et le prédicateur, frère