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le choix des livres — auteurs grecs et latins traduits en français — qui remplissaient les armoires de la chambre des études et il n’eût rien trouvé à redire en l’Hôtel Saint-Pol, sinon que l’air y était quelque peu puant, gâté par l’affreuse haleine des égoûts et les fauves relents de la ménagerie où grouillaient les sangliers, où rugissaient les lions en cage.

Charles VI fut moins bâtisseur que son père, mais sa femme Isabeau eut le goût d’acquérir des châteaux et des maisons de plaisance. Ce couple royal passait son temps à aller d’un palais à l’autre, comme Louis XIV allait de Versailles à Fontainebleau et à Marly. Il semble que Vincennes ait été leur séjour préféré. Cependant, ce fut à l’Hôtel Saint-Pol que la petite Bavaroise fluette et brune, plus séduisante que jolie, reçut, lors des fêtes du sacre, l’hommage des bourgeois de Paris. Elle accueillit, dans sa chambre appareillée, « quarante des plus notables Parisiens superbement vêtus. » Avec eux, entrèrent « un ours et une licorne portant une litière richement ouvrée ». Ces animaux étaient, bien entendu, des hommes déguisés eh bêtes. Nos ancêtres avaient des fêtes officielles une autre idée que nous. Ils célébraient l’entrée d’un roi ou d’une reine par des scènes de théâtre en plein air, des cortèges de demoiselles peu vêtues, coiffées de chapeaux de fleurs, des troupes de chevaliers de la Table-Ronde, joutant sur les échafauds et des essaims d’anges acrobates qui descendaient du ciel en chantant. Et toutes les maisons étaient tendues de tapisseries « comme si l’on fût en Alexandrie et Damas ». C’était plus gai qu’un défilé de landaus ou d’automobiles occupés par des person-