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d’or, à la robe fourrée d’hermine ou de vair, on le voit dans sa librairie chatoyante de cuirs gaufrés et de vitraux qui colorent le soleil. Des tapisseries couvrent les murs et des tapis d’Orient les dallages, de leurs teintes violentes et fraîches, car le Moyen-âge, prétendu triste et sombre, ne craignait pas la couleur, et les intérieurs de palais comme les intérieurs d’églises resplendissaient, tels des jardins fleuris ou des coffrets de pierres précieuses.

La reine avait son logis, et les princes ses fils, avaient le leur. Le futur Charles VI était à l’Hôtel Saint-Maur, avec son frère Louis, duc d’Orléans. Disposition excellente pour maintenir l’accord familial (chacun chez soi), mais coûteuse pour le contribuable. L’Hôtel Saint-Maur n’était pas moins beau que l’Hôtel Saint-Pol. On y pouvait admirer la chambre verte, toute lambrissée ; la salle de Theseus et la salle de Mathebrune, ornées de peintures qui montraient les aventures de ces personnages fabuleux. Et il y avait aussi un oratoire, « le retrait où dit ses Heures Monsieur Louis de France ». Les chapelles ne manquaient pas. Le roi allait aux offices de la chapelle de Puteymusse, bien qu’il eût la sienne en son hôtel. De ces édifices disposés sans ordre, dépendaient une quantité de bâtiments séparés par des cours et basses-cours. Les désigner par leurs noms, cela semble une parodie de Rabelais : cours des joutes, cours des cuisines, pâtisserie, saulceries, cellier, colombier, gelinière, garde-manger, bouteillerie, cave au vin des maisons du roi, cave de l’hypocras, et cent autres. Gargantua se fût trouvé à l’aise dans ce « logis solennel des grans esbatements » et Pantagruel eût approuvé